Alarmistes oui, défaitistes non
Quand il s'agit de l’effondrement du monde actuel : soyons très réalistes, un peu alarmistes, mais pas défaitistes.
SOYONS réalistes
A ce stade nous ne pouvons plus changer la trajectoire créée par les fondements de notre Histoire : celle qui a vu des hommes du Vieux continent partir à la conquête de territoires nouveaux pour les coloniser et qui ont réduit à l’esclavage les hommes étrangers rencontrés en chemin afin de régner sur ces nouvelles terres. Ceux-là même qui ont également pillé les ressources naturelles qu’ils trouvaient dans ces nouveaux eldorados.
Cette suprématie de certaines ethnies sur d’autres pour régner sur les terres a façonné le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, entre des pays qui se sont développés grâce à des matières premières venues d’ailleurs et qui ne leur étaient pourtant pas dues. La soif de pouvoir et d’argent a rendu l’homme mauvais et cruel, alors qu’il ne devrait être qu’amour, tolérance et partage…
C’est ainsi que nous vivons depuis sur une planète complètement mondialisée : les pays ne sont plus autonomes et fermés sur eux-mêmes, que ce soit de plein gré ou malgré eux, et chacun compte sur ses échanges internationaux afin de se développer toujours plus. Mais l’objectif est au final bien individualiste : c’est à qui sera le plus puissant et le plus riche pour régner sur le monde…
Les agissements quels qu’ils soient ne restant jamais sans conséquences, depuis toujours les pays doivent en parallèle faire face au revers de la médaille en devant gérer des problèmes émanant de cette Histoire. Le monde tout entier fait face à de nombreuses guerres de pouvoir, à des inégalités énormes entre un humain et son voisin, à des flux migratoires indésirables, et à de nombreux autres fléaux qui auraient peut-être pu être évités si l’Histoire avait été différente…
Le fait est que la majorité des habitants des pays développés ne subissent que très peu ces fléaux que sont la misère, la famine, la guerre, ils ne se sentent donc pas directement concernés et ne font rien pour améliorer la situation des pays voisins, ce qui en soit l’empire !
Mais alors comment peut-on lutter contre de si grands fléaux qui semblent impossibles à éradiquer ?
L’un des problèmes majeurs de la Terre aujourd’hui est son nombre d’habitants, qui n’en finit pas d’augmenter. Nous sommes près de 8 milliards d’humains alors que nous étions à peine 2,5 en 1950 (!), nous avons chacun une culture et des croyances différentes, et nous vivons chacun dans des régions et des sociétés qui doivent faire face à leurs propres défis d’ordre politique, économique, sociétal ou environnemental.
Nous vivons chacun des vies différentes, pourtant nous sommes tous reliés les uns aux autres d’une manière ou d’une autre.
Nous sommes tellement interconnectés que les intérêts des uns entraînent inévitablement des nuisances pour d’autres.
Pour retrouver un équilibre il faudrait que chaque humain accepte de renoncer à certains privilèges et confort afin de créer une société plus égalitaire. Mais nous sommes malheureusement bien trop nombreux pour que cela soit envisageable à l’échelle de la planète. Je pense que cela pourrait fonctionner dans des petites communautés où tout le monde se connaît et se respecte, mais cela est utopiste dans l’état actuel des choses.
Au 21e siècle nous avons un autre défi de taille qui semble encore plus impitoyable que les autres car il est global – il concerne absolument tous les humains – et il peut avoir des conséquences imprévisibles et insurmontables pour chacun de nous : c’est le changement climatique et l’épuisement des ressources naturelles.
La menace est telle que les nouvelles générations qui naissent n’auront peut-être pas l’opportunité de mourir vieux…
Cela fait 40 ans que l’on parle du phénomène, pris très peu au sérieux jusque-là. Les nombreuses études scientifiques et catastrophes naturelles déjà récurrentes dans le monde sont pourtant on ne peut plus claires.
Records de chaleur, fonte des glaces, élévation du niveau de la mer, acidité des océans, conditions météorologiques extrêmes (tempêtes inondations, incendies…) arrivent tous à des niveaux records, et surviennent toujours plus fréquemment et plus rapidement. En parallèle on continue toujours les pratiques agricoles intensives, la surexploitation forestière, la surpêche qui vide les océans, l’urbanisation galopante, la pollution extrême de l’air et des sols...
Selon un rapport de l’ONU publié en 2019, les émissions de CO2 ont progressé en moyenne de 1,5 % par an ces 10 dernières années et elles ne donnent aucun signe de ralentissement, alors qu’il faudrait qu’elles baissent de 7,6 % par an, chaque année entre 2020 et 2030 pour espérer respecter la limite de +1,5 °C.
Selon les experts biodiversité de l’ONU (IPBES), 75 % de l’environnement terrestre et 66 % de l’environnement marin sont sévèrement dégradés par les activités humaines. Résultat : environ un million d'espèces animales et végétales sur les quelque huit millions estimées sur Terre sont menacées d'extinction, dont « beaucoup dans les prochaines décennies ». En 100 ans, nous avons perdu les trois quarts de la biodiversité semencière, ce qui met directement en péril notre sécurité alimentaire.
Il semblerait donc que nous vivions le début de la sixième extinction de masse, et la première dont l'homme est responsable…
SOYONS ALARMISTES
Être alarmiste, c’est accepter un fait que l’on ne peut plus nier : aujourd’hui la planète va très mal, et le monde tel qu’il est en 2020 ne pourra pas perdurer longtemps car il va rapidement devoir faire face à des événements qui risquent de bouleverser drastiquement le cours des choses comme on les vit de nos jours.
Souvenons-nous que plus il y a d’événements extrêmes et plus il y en aura car les premiers en créent d’autres par effet domino exponentiel.
Être alarmiste, c’est comprendre que les dangers de notre monde actuel proviennent de notre faute à tous, nous qui avons un quotidien et un confort de vie qui ne correspondent pas du tout à ce que la Terre et la nature peuvent nous donner. Ah que l’on est bien loin de simplement vouloir répondre à nos besoins primaires de la pyramide de Maslow : manger, dormir, être en sécurité…
Oui nous aimons tous vivre dans un certain confort et jouir de loisirs qui nous donnent l’impression d’être heureux et de profiter de la vie et non simplement survivre, moi la première. Mais je suis certaine que la majorité des hommes n’aurait pas de mal à renoncer à certains privilèges s’ils se rendaient compte du coût que cela implique sur la nature et sur l’humanité.
A l’heure où nous pouvons tout connaître de ce qui se passe sur la planète en quelques secondes et en quelques clics, il est de notre devoir de nous informer et d’ouvrir les yeux sur le monde.
Je pense que chaque humain devrait être informé dès son plus jeune âge de comment le monde fonctionne : comment la nourriture arrive de la nature jusqu’à son assiette, quels trajets internationaux ses habits ont parcouru avant qu’il ne les porte, et quelle personne a fabriqué les objets qu’il peut retrouver dans sa maison.
Car l’être humain ne pourrait simplement pas rester indifférent face à ces milliards d’animaux sauvagement élevés et tués, face à cette aberrance et ce non-sens qu’implique la fabrication d’un seul T-shirt ou jean de l’autre côté de la planète ; face aux conditions inhumaines des travailleurs exploités pour puiser les ressources naturelles qui serviront à fabriquer nos objets futiles du quotidien ; et face au 7e continent du monde qui n’est fait que de déchets indestructibles et nuisibles à la nature…
C’est malheureux mais l’être humain a besoin d’être choqué et heurté profondément mentalement ou physiquement pour réagir et vouloir changer ses habitudes et ne plus encourager de tels vices.
L’ignorance et l’aveuglement des hommes conduisent à leur participation indirecte et leur accord tacite à ce monde complètement fou.
Être alarmiste, c’est comprendre qu’à ce stade l’effondrement du monde industriel tel qu’on le connaît semble inévitable. La théorie de l’effondrement ou la « collapsologie », c’est la convergence de toutes les crises : climatiques, écologiques, bio-géophysiques, économiques… C’est « le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».
Sans chercher à faire du mélodrame apocalyptique il faut quand même imaginer une vie où l’on aura de la difficulté à répondre à nos besoins primaires, et dans lequel il faudra certainement se battre les uns contre les autres pour pouvoir survivre…
Il est impossible de prédire ce qu’il va se passer exactement. Ce ne sera pas forcément un gigantesque astéroïde ou encore une bombe nucléaire à l’échelle mondiale qui détruira la Terre en un jour, non ce sera plus discret et vicieux que cela. En fait, ce ne sera pas un effondrement mais bien de multiples effondrements de systèmes à plus ou moins grande échelle qui apparaitront et qui, du fait qu’ils soient interconnectés entre eux, se multiplieront de manière exponentielle.
Nous devrons donc faire face à de multiples chaos de tous les côtés qui entraîneront de plus en plus d’inégalités, de guerres, de misère, de mort, et face auxquels même Mère Nature ne nous sauvera pas car elle ne nous donnera plus les moyens de lutter. La question est de savoir combien d’êtres humains réussiront à en sortir et dans quel nouveau monde ceux-là vivront ? Comment faire pour que toute l’humanité n’y succombe pas ?
Être alarmiste, c’est aussi comprendre qu’il y a urgence à (ré)agir, le temps joue contre nous et la nature n’attend pas.
Le changement sera certes inévitable et on ne connaît pas l’ampleur de ce que nous devrons subir, mais nous pouvons tenter de limiter les dégâts en réagissant vite et fort.
N’attendons pas que les hommes de pouvoir et les grandes multinationales agissent, utilisons notre pouvoir individuel d’être humain pour nous faire entendre à notre échelle et ne plus participer à cette folie meurtrière.
Faisons du mieux que nous pouvons, changeons nos habitudes et convainquons nos proches de faire de même avant qu’il ne soit trop tard. Pensons à nos enfants et aidons-les à se battre et à s’adapter à vivre plus simplement pour qu’ils puissent profiter du monde de demain !
NE SOYONS PAS DéFAITISTES
Face à toutes ces informations alarmantes il est très difficile d’imaginer ce qu’il faudrait faire pour améliorer la situation et changer totalement le cours de cette trajectoire qui nous amène droit dans le mur.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde complexe, Il y a tellement de paramètres qui entrent en jeu pour expliquer les grandes problématiques que nous devons affronter, ces différents paramètres étant interconnectés entre eux de manière si complexe qu’elles ne peuvent être réfléchies par un seul cerveau.
Face à tant de détresse on peut réagir de plusieurs manières :
- on peut choisir de se pendre pour en finir au plus vite avec cette vie à risque, ou de continuer sa vie complètement déprimé
- on peut faire l’autruche : fermer les yeux, se boucher les oreilles et continuer à vivre comme on l’a toujours fait
- on peut prendre la situation comme un défi de vie et devenir acteur pour un monde meilleur
J’ai pour ma part choisi mon camp, et vous ?
« Des changements profonds peuvent entraîner une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts directs dans le statu quo, mais une telle opposition peut être surmontée pour l'intérêt général. ». Robert Watson, président de l'IPBES.
Si la prise de conscience et l’action de tous est fondamentale, il est tout aussi important de ne pas sombrer dans le désespoir face à tant de menaces sur nos vies.
J’ai moi-même du mal à résister à la déprime et il y a des jours où je n’ai simplement pas le moral, noyée par la peur et la tristesse de voir notre si belle Terre être réduite en cendres de tous les côtés... Pas simple de continuer à vivre « normalement » en pensant tous les jours à tout cela, et en côtoyant des personnes qui ne sont pas forcément dans le même état d’esprit. Plus je m’intéresse au sujet en lisant des articles ou en regardant des vidéos, et plus je prends à cœur la situation catastrophique dans laquelle le monde est plongé.
Pour autant, je ne compte pas me laisser démolir par ce constat, au contraire je souhaite garder mes forces et mon optimisme en la vie pour faire partie du changement et œuvrer pour un monde meilleur.
Le défi est vraiment de garder son moral et sa joie de vivre chaque jour, tout en changeant son mode de vie pour respecter au mieux ses valeurs.
N’oublions pas à quel point la vie est magique et miraculeuse, à quel point la nature sous toutes ses formes est extraordinaire, à quel point l’homme peut être bon et capable de prouesses insoupçonnées.
Le monde a toujours balancé entre le bien et le mal, il n’a jamais été tout noir ou tout blanc et ne le sera jamais. C’est ce qui participe à sa beauté qu’on le veuille ou non.
Aussi l’homme a toujours eu une capacité d’adaptation face au changement qui lui a permis d’exister pendant des millions d’années et lui a permis de créer plein de choses étonnantes sur Terre.
N’oublions pas tout cela, et ne soyons pas défaitistes, même si elle devra lutter la vie peut encore et toujours gagner !
L’effondrement du monde est inévitable, donc plus vite on le comprendra et on l’acceptera et meilleur on deviendra pour se prémunir et s’adapter face aux changements qui surviendront. Il ne s’agira pas de devenir le plus fort, car le pouvoir n’a jamais rien apporté, mais de devenir le plus intelligent pour faire perdurer l’espèce humaine et tous les êtres vivants sur Terre.
Si le monde d’aujourd’hui doit s’effondrer, pourquoi ce ne serait pas pour devenir quelque chose de meilleur ?
Alors oui il va falloir passer par beaucoup de douleurs et pas tout le monde gagnera, la question est même de savoir combien d’humains réussiront à faire face à l’indomptable Mère Nature ?
Mais « tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir », croyons en la possibilité que l’issue de ces effondrements soit positive.
« La mauvaise nouvelle, c’est que l’être humain est la cause de l’effondrement auquel on assiste en ce moment. Mais c’est en même temps une bonne nouvelle. Si on est la cause, nous sommes aussi en même temps la solution », Karel Mayrand
Il n’est plus question d’éviter la catastrophe mais d’apprendre à la gérer et s’adapter au nouveau monde dans lequel il faudra (sur)vivre.
Pour cela deux éléments clés sont à retenir selon moi.
Tout d’abord il faut individuellement réapprendre à se nourrir de la terre soi-même, faire pousser ses propres aliments, et réapprendre à vivre avec le moins de technologies possibles.
Deuxièmement il faut réapprendre à vivre ensemble sur un pied d’égalité et à partager ses compétences. Créer de petites communautés et s’entraider les uns les autres sera une façon de lutter contre les changements. Car c’est ensemble que l’on ira plus loin !
Sources :
- Documentaire vidéo « Foutu pour foutu », Agathe Bru et Romain Sanchez, année 2019, disponible en streaming sur Imago Tv
- Rapport de l’ONU (IPBES) sur la Biodiversité, publié le 7 Mai 2019,
- « Comment tout peut s'effondrer : Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes », Pablo Servigne et Raphaël Stevens, paru le 9 Avril 2015.
Hozzászólások